L'ILLUSION DE LA PERMANENCE
Je trouve Ă©trange cette impression profonde de permanence allant jusqu'Ă la foi indĂ©racinable en la persistance ; l'expĂ©rience pourtant toujours renouvelĂ©e de la mĂ©tamorphose, de la perte et de la disparition n’arrache pas Ă l'intime croyance en la durĂ©e. Cette illusion commune nous fonde, comme l'expression l’Ă©vidence d'une vĂ©ritĂ© absolue. Elle sera dĂ©sormais ma quĂȘte.Â
RĂ©miniscences incontrĂŽlables et accueillies dans la porositĂ© qui mĂȘle passĂ© et prĂ©sent ; incursions de l'impalpable qui engendre la texture ou qui soutient notre monde... tels sont nos jardins intĂ©rieurs. Je souhaite augmenter ce qui fut, rendre dĂ©finitivement le passĂ© au prĂ©sent et enfin offrir Ă l'absence le reflet de la lumiĂšre et la couleur de l'or dans l’espoir de donner au saisissement du deuil sa sublimation.Â
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Et lorsque la nuit presque dense arrive, lorsque le nĂ©ant semble prendre corps devant l'Ă©clatement des pigments, lorsque l’obscur peuplĂ© d'invisibles fourmille jusqu’au bruissement, je cherche les passages entre le vide et le plein. Je cherche ce qui lie tous ces contraires indissociables et ainsi associĂ©s, ceux qu'il ne nous est jamais donnĂ© de voir ensemble et qui pourtant s'appartiennent indissolublement dans une continuitĂ© indĂ©celable : continuitĂ© impensĂ©e que nous vivons et incorporons comme une Ă©vidence. Et puis il y a l'ocĂ©an aux incursions fantomatiques. Surgies dans sa prĂ©sence dĂ©finitive, toujours renouvelĂ©es en un lieu sacrĂ©, elles habitent l’horizon. Il est lĂ , avec ses strates qui inscrivent l'horizontalitĂ© dans la verticalitĂ©, avec l'immuable rĂȘvĂ© et hantĂ© par l'illusoire. Voici alors l'avĂšnement du noir et du blanc qui lisse le roulis du temps, qui permet l'abstraction loin des fluctuations de la couleur : Ă la hauteur de l'oubli que nous avons de la fuite du monde pour pouvoir le penser.
Anne Pharel |