PHAREL

LE FUGITIF ET L'INCERTAIN

Le rapport fondamental que j'entretiens au monde est lié à une perception particulière du temps où les instants échappent à leur brièveté, s'étirent, comme arrachés à la durée. Je cherche à rendre visible des instants qui contiennent leur propre disparition, dans lesquels passé et futur sont confondus.

Ce rapport singulier au temps induit une relation au monde qui est comme tremblée, où la présence au monde se fait dans un présent qui n'existe pas.

On habite alors les lieux d'un œil désincarné, d'un œil hors de soi, un œil qui isole au loin un espace et permet un rapprochement immatériel. Cette proximité lointaine permet la métamorphose de la matière, parfois jusqu'à la transparence, jusqu'à ne voir plus d'elle que son cristal.

Et c'est ainsi que les choses échappent à ce que l'on croyait d'elles.

Chercher à entrevoir d'elles l'invisible n'est pas la quête d'une révélation, mais plutôt celle d'un renoncement. Il s'agit d'accepter de voir s'évanouir la réalité avec la fuite de la lumière, pour être confronté au mystère du réel et à son étrangeté.

Ainsi monte cette sensation de détachement du monde, de flottement, où l'on cherche plus à effleurer les choses qu'à les saisir.

Dans cette disposition, une vision poreuse de la matière advient et autorise les glissements entre l'intérieur et l'extérieur, estompe les contours jusqu'à permettre la confusion.

Ne plus savoir où et lorsque les choses commencent. Ne plus savoir où et lorsque les choses finissent.

Je ne cherche pas à atteindre une vérité mais plutôt à en frôler des fragments pour en éprouver le sentiment éphémère. Je veux que l'invisible, qui fait que le monde palpite, circule dans mes œuvres.

Et toujours, je cherche à sublimer la disparition, à donner corps à l'imprécis, pour enfin offrir à l'absence le reflet de la lumière et la couleur de l'or.

Dans cette intention, j'installe parfois mes images dans des boîtes, provoquant souvent des mises en abyme: afin de transfigurer le réel, afin de mettre en scène un monde aux limites évanouies, afin de rendre sensible son inclination à la métamorphose.

 

 

Anne Pharel